Si vous n’avez pas l’habitude de lire des romans d’horreur, vous ne connaissez peut-être pas Shaun Hutson, ce genre de type qui s’inspire comme on respire, écrit comme on boit de l’eau, fait surgir l’horreur au coin de la rue en un battement de cil
Après la découverte globale de LEILA, projet coopératif dédié à la promotion et à la découverte de la littérature arabophone, soutenu par Europe Créative, poursuivons la plongée dans son catalogue avec l’un de ses contributeurs, Pierre Girard. Traducteur et interprète de l’arabe, il travaille à l’enrichissement du catalogue LEILA spécifiquement dans les sciences sociales. Avec lui, nous découvrons le fonctionnement du site, sa fonction, et comment il s’enrichit au fil du temps, devenant une mine de ressources et d’informations pour les maisons d‘éditions en quête de textes à traduire, mais également pour les amateur·rice·s de textes en langue arabe.
Comment sélectionnez-vous les titres à faire figurer au catalogue, quels sont vos critères de sélection ?
Je n’ai pas participé aux réunions de sélection des ouvrages, en revanche LEILA a repris récemment une traduction d’une nouvelle de Sara Abou Ghazal que j’avais choisi de proposer à la revue Café. Dans ce cas, j’avais choisi ce texte d’abord parce qu’il me plaisait beaucoup, étant marqué par un ton très original dans la mesure où il mêle des éléments réalistes et d’autres quasi fantastiques. Sara Abou Ghazal est une autrice palestinienne qui a grandi à Beyrouth et la nouvelle participe à déployer un imaginaire politique singulier autour de la Palestine, en tenant de relier les générations, les vivant·es et les mort·es, les Palestinien·nes d’ici et de là-bas, tout en laissant la part belle aux puissances et aux beautés de la fiction,
La littérature arabophone est-elle écrite en arabe classique, ou se décline-t-elle également dans les langues et dialectes régionaux ? (si oui, comment travaillez-vous pour dénicher cette littérature ?)
La littérature est très majoritairement écrite dans un arabe littéraire, à l’exception des dialogues qui sont généralement dans le dialecte de la région où se déroule l’action, ou du moins une version du dialecte adaptée de manière à être comprise par un assez large public. Des livres intégralement écrits en dialecte existent cependant, y compris parfois des romans très populaires. D’autres ouvrages jouent du mélange entre les registres de langue et les langues en général, comme dans l’excellent recueil de nouvelles de Salah Badis récemment traduit en français sous le titre Des choses qui arrivent (traduit par Lotfi Nia), qui intègre à la narration en arabe littéraire des éléments du parler algérien, avec ce qu’il inclut d’emprunts à d’autres langues telles que le français, emprunts qui ne produisent pas la même impression selon s’ils apparaissent en graphie arabe ou en graphie latine (participant notamment à situer le milieu social de certains personnages).

Pour ce qui est de trouver des livres à lire, je pense que cela se passe sensiblement pareil en français ou en arabe, c’est-à-dire à la fois en entendant des personnes en parler, en lisant des articles ou en regardant le catalogue des maisons d’édition que j’apprécie. La différence majeure tient surtout à la difficulté d’accéder aux ouvrages, dans la mesure où il est souvent difficile de trouver en Europe un large choix d’ouvrages en arabe, limité à de rares librairies et sites où il est possible de commander quelques titres, difficulté qui se retrouve également en partie dans des pays arabes, étant donne que les livres ont également parfois du mal à circuler d’un pays à un autre.

Avez-vous observé de tendances, des courants et des grandes lignes dans la littérature arabophone contemporaine ?
La littérature arabophone contemporaine est marquée par une grande diversité, tant en termes de genres que de styles, que je serais bien incapable résumer. Parmi cette diversité, il est toutefois intéressant de signaler que le genre des nouvelles est un espace de création très dynamique. À la différence du champ éditorial français où ce genre a tendance à être considéré comme un genre mineur, voire comme une étape de jeunesse avant d’accéder au genre majeur qu’est le roman – avec pour conséquence que très peu des maisons d’édition françaises publient des nouvelles – il y a une importante production de nouvelles et qui est très intéressante. De ce fait, il est généralement difficile de convaincre des maisons d’édition de publier des traductions de nouvelles, et c’est donc toute un pan de la littérature arabe qui se trouve méconnu.

