Liste de lecture : Femmes de l'être

Serait-ce fréquent, sur Bookalicious, de mettre en-avant des livres écrits par des femmes ? Comme Wendy Delorme, Emilie Talon, Nathalie Rouanet, Victoria Kielland, Ariella Aïsha Azoulay ? Oui !

Liste de lecture : Femmes de l'être

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30/10/2023
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10
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Serait-ce fréquent, sur Bookalicious, de mettre en-avant des livres écrits par des femmes ? Oui. Cette nouvelle liste de lecture 100% autrices contemporaines ouvre les portes de l’indépendance, de la liberté et de l’acceptation de soi. Entre autres. La littérature rassemble, unit, soude et porte les voix, les combats, les singularités. Bienvenue dans un univers de femmes plurielles.

Devenir Lionne. Wendy Delorme

Lionne plutôt que chienne, gazelle, morue, biche, et autres comparatifs qui parviennent à conjuguer sexisme et spécisme, comme savent si bien le faire les hommes. La lionne, c’est l’animal totem que s’est choisi l’écrivaine et enseignante-chercheuse Wendy Delorme pendant sa jeunesse. Un talisman, selon ses propres mots, qui ne l’a jamais quittée tout au long de son avancée dans la vie. On retrouve sa plume si caractéristique dans ce livre hybride, entre essai et autobiographie, entre parcours personnel et réflexion politique, ce mélange des genres bien particulier. Le récit intime devient tremplin, le soi devient exemple, point de départ d’un questionnement presque scientifique sur la société et ses rouages, ses abus et son système oppressif envers les femmes. Wendy Delorme n’y va pas, comme dans ses autres essais, par quatre chemins pour disséquer les mécaniques patriarcales, oscillant toujours entre sa rigueur de chercheuse et sa verve militante. L’autrice dit « j’écris pour retrouver la ligne d’horizon ». Sans doute sait-elle combien elle permet à de nombreuses lectrices de trouver la leur dans ses mots. Editions JC Lattès


Rouge Indien. Nathalie Rouanet

Connaissez-vous la peintre Amrita Sher-Gil, souvent qualifiée de « Frida Kahlo indienne » ? Non ? Rassurez-vous, avant de lire ce livre, moi non plus. Est-ce surprenant ? J’imagine que non dans la mesure où… nous ne sommes pas des spécialistes en histoire de l’art, diriez-vous ? Oui bien sûr. J’ajouterais que l’histoire de la peinture semble étrangement obsédée, elle aussi, par le fait d’invisibiliser les femmes, il est logique que nous soyons un certain nombre en France à n’avoir jamais entendu parler d’elle. Traductrice et slameuse, Nathalie Rouanet signe avec « Rouge Indien », un premier roman biographique, résultat d’un long travail d’enquête et d’investigation sur cette peintre à l’histoire tumultueuse et rocambolesque (et relativement tragique, vous vous en doutez). Construit à la manière d’un scénario, son livre voyage de la Hongrie à l’Inde, de l’Italie à Paris, suivant les pas et la carrière de cette femme hungaro-indienne à la peinture post-impressionniste qui n’est pas sans rappeler Gauguin ou Cézanne. Cinématographique, l’écriture de Nathalie Rouanet plonge ses lecteur·rice·s dans un film qui se dévore. Editions Perspective Cavalière


Mes hommes. Victoria Kielland. Traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud

Grâce à la pop culture (et à Netflix), les « grands » serial killers ont la côte. S’il est bien vrai que les plus célèbres des tueurs en série sont des hommes, même dans ce domaine, les femmes restent relativement dans l’ombre. L’essentialisme voudrait qu’une femme, créature si douce et maternelle, ne soit pas capable de trucider son prochain (laissez-moi rire). Pourtant, le « sexe faible » peut se targuer de quelques célébrités en matière de cruauté et meurtres en série, à l’image de cette femme, Belle Gunness, qui a véritablement existé. Fille de ferme norvégienne émigrée aux Etats-Unis, Belle aurait assassiné une quarantaine d’hommes, joli score, et quelques uns de ses propres enfants. L’écrivaine norvégienne s’intéresse à son histoire dans un roman qui n’a rien de spectaculaire ni voyeuriste. Elle raconte la trajectoire d’une femme abusée, isolée, déçue, qui s’isole dans un mélange de quête d’amour absolu et de puritanisme religieux. Les deux éléments étant difficilement compatibles, Belle va glisser dans une obsession meurtrière dirigée vers les hommes, qu’elle séduit, arnaque et tue sans grandes difficultés. Victoria Kielland plonge dans cette vie tourmentée avec subtilité, portée par un style poétique et inspiré qui laisse une grande part à l’imagination. En mêlant inventions, reconstitutions à partir d’éléments historiques et structure biographique, l’autrice crée un roman unique, tout en clair-obscur et bien loin de la moindre dimension spectaculaire. Editions Dalva


Vertiges Persans. Emilie Talon

C’est un récit de voyage. Un roman d’apprentissage. Un documentaire. Une non-fiction narrative. C’est avant tout l’hommage émouvant et vivant d’une fille à son père, disparu trop tôt. Vertigineux, ce texte l’est par tous ces aspects, plus encore que par le lien au vertige réel qu’il entretien. Le père d’Emilie Talon était alpiniste et avait spécifiquement arpenté le Trône de Salomon et le volcan Damovand en Iran. Trente ans après son décès, sa fille se lance sur ses traces, littéralement parlant, accompagnée d’une guide au pied sûr et à l’esprit libre. Après avoir conté l’Iran des villes, où vit une partie de sa famille, dans son premier livre, Emilie Talon se tourne vers les cimes qui attiraient son père, drôle de héros adoré, emporté par un cancer. Avant de rencontrer sa propre histoire, sa propre singularité sur les montagnes, Emilie Talon mène l’enquête auprès des amis de son père, creuses ses propres souvenirs, fouille les écrits et photos qui retracent ses voyages et ses envies. Le livre qui en résulte prend des allures de récit d’aventure, décrivant avec soins les ambiances, les paysages, les modes de vie et les gestes du quotidien sans jamais occulter la dimension émotionnelle, la quête de sens et de filiation qui sous-tend ce travail. Le vertige devient poétique. Editions Paulsen



La résistance des bijoux. Ariella Aïsha Azoulay. Traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Naudy

Ce livre est un entrelacs, un tissage à la fois culturel, politique, géographique, personnel. Essai, autobiographie, poème, journal, documentaire, ce texte plonge dans l’histoire de l’autrice, étroitement mêlée à celle du colonialisme, en Algérie et en Palestine. Quel rapport avec les bijoux ? Tout. En 1963, l’Etat Français exige des femmes algériennes qu’elles lui remettent leurs bijoux, comme pour mieux gommer leurs lignées, leur histoire. À la mort de son père, Juif d’Oran naturalisé français puis israélien, l’autrice découvre le prénom de sa grand-mère : « Aïcha ». Débute alors une enquête qui mêle l’histoire de sa famille à celle du colonialisme, français et sioniste, qui plonge au coeur d’une machine à diviser, broyer, annuler. Loin de toute binarité ou opposition idéologique, Ariella Aïsha Azoulay revendique cet enchevêtrement d’origines, creuse les discours pour mieux mettre en lumière la violence, manifeste et insidieuse, du colonialisme. Sa rigueur de chercheuse s’appuie sur la fragilité de la femme qu’elle est, et qu’elle laisse éclore avec pudeur tout au long de la seconde partie du texte, des poèmes à la fois incisifs et mélancoliques. Editions Rot·bo·krik

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