Sous la plume enlevée de Rim Battal, la rage et l’humour s’allient pour mieux faire face à la honte et à la violence familiale, le désir et la force s’unissent pour rappeler combien l’intime est, toujours, politique.
Si vous pensiez que le space opera se résumait à un concert de moteurs de vaisseaux spatiaux et de tirs de lasers, vous risquez de changer d’avis avec cette novella atmosphérique, récompensée par le Grand Prix de l’Imaginaire en 2015. So-Ann, humaine née dans l’espace, s’embarque pour une planète ou règnent abondance, bienveillance et luxuriance. Une planète où la nature s’adapte aux désirs et pensées des personnes étrangères qui la visitent. Végétaux, animaux, et humanoïdes s’imprègnent de l’ADN des visiteur·rice·s pour stabiliser leur propre génome. Derrière l’apparente symbiose, la plume de Sylvie Lainé fait émerger un malaise étrange, une subtile remise en question des clichés sur le « vivre ensemble » et une écologie idyllique. Poétique et imagée lorsqu’elle décrit les paysages extraterrestres, inquiétante et clinique lorsqu’elle annonce les frémissements sous le vernis, l’écriture de Sylvie Lainé ondule comme une créature vivante.

Vous écrivez principalement des nouvelles, qu’est-ce qui vous plaît dans la forme courte ?
La forme courte est percutante. Une nouvelle réussie frappe vite et fort. Un long roman ou, pire, une saga interminable, n’aura jamais cette capacité à surprendre. Alors oui, on peut créer des personnages ou des environnements attachants ou fascinants sur la longueur – mais en tant que lectrice il est bien rare que j’arrive à dépasser un tome 2 ou 3, parce que l’univers est devenu trop familier, parce que j’ai la sensation que l’action progresse en se traînant et qu’on n’avance pas. Je suis une amatrice d’imaginaire, et l’imaginaire devrait surprendre et innover – la nouvelle s’y prête tellement bien !
Comment s’est formé l’univers de Shaya, avec cette héroïne singulière ?
La planète Shaya devait avoir besoin de rencontres et de mélanges, et pourtant rester fidèle à elle-même. J’en ai fait une nécessité biologique, on ne peut pas tricher avec la biologie, rien ne pourrait altérer l’équilibre que je voulais atteindre. Et mon héroïne tentait d’être en accord avec ce principe, ne pas s’imposer, ne pas faire obéir les autres à ses règles personnelles, être tolérante. Mais elle est humaine, elle a eu du mal parfois…
Utilisez-vous toujours la même méthode pour construire vos univers, quels qu’ils soient ?
Jamais. J’ai envie d’écrire une nouvelle quand elle représente une expérience que je n’ai jamais tentée – la manière de la construire est aussi très variable. J’ai écrit certaines nouvelles en quelques jours et sans savoir où j’allais, et d’autres en plusieurs années en bâtissant des scénarios précis. J’essaie surtout de faire ressentir l’histoire, de faire partager au lecteur les émotions et les sensations vécues par les personnages, en l’immergeant dans le récit – en donnant à vivre l’histoire, plutôt qu’en la racontant.
L’on associe plus souvent les gros vaisseaux spatiaux au genre « space opéra », qu’est-ce qui vous a donné envie de livrer une version plus atmosphérique ?
C’était la confrontation des cultures qui m’intéressait, et j’avais besoin d’une planète étrangère pour la faire vivre. J’y gardais un point de vue humain, celui de mon héroïne, mais comme ce n’était pas une planète humaine, son point de vue devenait nécessairement marginal et un peu inapproprié – l’expérience a été très intéressante !
Vous avez obtenu de nombreux prix, quel est votre ressenti à ce sujet ? Un prix peut-il motiver ou figer l’écriture ?
Un prix c’est la confirmation que ce qu’on a écrit a touché ou parlé à des gens de manière significative. Je ne crois pas que cela fige quoique ce soit, en tout cas pas pour moi, puisque j’écris pour créer quelque chose de nouveau et qui me surprenne moi-même. Mais motiver, oh oui ! C’est un formidable encouragement !
