Lauréate de l’EUPL (Prix de Littérature de l’Union Européenne) en 2021, Laura Vinogradova, qui commencé à écrire à la trentaine, alterne romans ou nouvelles pour adultes et littérature jeunesse.
Son premier roman "Homo Sapienne" jetait un pavé dans la mare de la littérature nordique et plus spécifiquement encore, Groenlandaise. Avec son style dénué de fioritures et un sens de l'observation aigu, la jeune autrice Niviaq Korneliussen embarquait ses lecteurs au cœur de la jeunesse locale, de ses problèmes, de ses peines d'amour et de ses rêves. Elle revient avec un nouveau roman, superbe : "La vallée des fleurs", qui oscille entre observation sociale et mélancolie, construction de soi et vertige, amour et solitude.
Comment définiriez-vous la littérature Groenlandaise ?
La littérature au Groenland ne date que d’une petite centaine d’années, c’est donc une partie récente et peu développée de notre culture. La génération précédente écrivait des romans, nouvelles et poèmes majoritairement réalistes, ou des récits autobiographiques. La littérature n’existait pour ainsi dire pas pendant de nombreuses années et il était très inhabituel pour des jeunes d’être publié·e·s. Jusqu’à maintenant. Même si nous n’avons pas beaucoup de livres édités, l’intérêt grandit et les gens sont plus intéressés par le fait de lire (ou écrire) notre histoire. Il devient plus facile pour les jeunes de s’identifier à la littérature qui émerge. Des petites maisons d’éditions se sont lancées, et la jeune génération s’intéresse à l’écriture créative, donc je crois que la littérature va s’épanouir.
Qu’est-ce qui vous inspire, nourrit votre style ?
La jeunesse Groenlandaise. C’est une réponse très simple mais c’est vrai. Ces gens sont plein d’espoir, de force et de courage même quand tout semble obscur. Ça me donne le courage d’écrire. Je n’ai pas l’impression d’avoir un style. Ou tout au moins, c’est dur pour moi de décrire ma manière d’écrire. Je n’ai pas suivi de cours d’écriture créative, ni rien de tout ça. Tout ce que je peux dire c’est que je ne peux pas écrire si le thème n’a pas un sens particulier pour moi. Quand j’écrivais mon roman, j’ai commencé par une histoire sur le racisme envers les Groenlandais, mais je peinais sur mon manuscrit et j’avais l’impression de raconter une histoire commerciale et beaucoup trop entendue. Mon histoire a commencé à prendre du sens pour moi quand j’ai réalisé qu’il fallait que je raconte l’histoire des laissées pour compte, des marginaux, cette jeunesse que l’on n’écoute pas. Je n’arrive à écrire que quand il y a quelque chose en jeun, quelque chose à pointer, quelque chose à comprendre et dont nous pouvons apprendre.
Comment est venu le sujet de ce nouveau livre « La Vallée des Fleurs » ?
J’ai eu du mal à trouver un titre à mon livre. Au début, j’avais écrit la première et la dernière partie, celle qui se passe à l’Est du Groenland n’était pas encore écrite. Et tout à coup, ça m’est apparu, quand j’écrivais la partie où mon personnage se trouve dans la vallée des fleurs. C’était le titre parfait pour cette histoire. Cette vallée est l’un des plus beaux endroits que j’ai vus, et le cimetière, son opposé total. Beaucoup de jeunes qui se suicident sont enterrés dans le cimetière de la vallée des fleurs et sont oubliés. Les tombes sont laissées à l’abandon et n’ont pas de noms inscrits, c’est pourquoi mon personnage réalise qu’elle n’est rien pour les autres. Enfin, elle ressent quelque chose. C’était le lieu parfait pour un pivot dans l’histoire, dans ces limbes où les gens disparaissent et sont oubliés.
La vallée des fleurs. Traduit du danois par Inès Jorgensen. Editions La Peuplade.