[INTERVIEW] Nicolas Roche : "Les échanges entre pays européens sont très riches"

Entretien avec Nicolas Roche, président du BIEF, autour de la sélection d'une autrice française, Maud Simmonot, pour l'édition 2023 du Prix de Littérature de l'Union Européenne, l'EUPL.

[INTERVIEW] Nicolas Roche : "Les échanges entre pays européens sont très riches"
Tara Lennart

Tara Lennart

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25/5/2023
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Le Prix de Littérature de l'Union Européenne, l'EUPL, a connu quelques changements l'année dernière. il compte désormais un·e auteur·rice lauréat·e et cinq mentions spéciales. Parmi les mentions spéciales de l'édition 2023 figure l'écrivaine française Maud Simmonot, pour son livre "L'heure des oiseaux", paru aux éditions de l'Observatoire. Comment a travaillé la France avec les instances de l'EUPL pour sélectionner ce titre ? Qui est à l'origine de cette sélection ? Quelles sont les coulisses du travail opéré entre professionnel·le·s de l'édition autour de ce prix ? Pour répondre à ces questions, et bien d'autres, entretien avec Nicolas Roche, président du BIEF, Bureau International de l'Edition Française. 

© cjdr

Comment avez-vous rejoint l’organisation des sélections de l’EUPL 2023 ?

En tant que directeur du Bureau international de l’Edition française (BIEF), Anne Bergman-Tahon mais aussi Arnaud Pasquali de Creative Europe m’ont demandé de rejoindre les différentes organisations nationales désignant les candidats pour 2023.


Comment s’est déroulée la sélection de cette année, jusqu’au choix de Maud Simmonot pour représenter la France ?

Si le choix de Maud Simonnot a finalement paru comme une évidence, il faut bien avoir à l’esprit que non seulement la production française en littérature est très importante (la seule « rentrée littéraire » de la fin de l’été voit paraître près de 500 romans !) mais que les critères d’éligibilité du prix sont aussi très… sélectifs. J’avais été si séduit par le livre de Maud Simonnot lors de sa parution à la fin de l’été. Je l’ai relu durant le processus de sélection et une troisième fois juste avant de le pitcher devant le jury prestigieux réuni à la foire du livre de Leipzig.


Quel·le·s étaient les professionnel·le·s impliqué·e·s dans la sélection, comment les avez-vous choisi·e·s ?

J’ai la chance d’avoir une vision assez panoramique de ce qui est publié en France même si naturellement je ne prétends pas lire tout ce qui se publie ! Je me suis entouré de fins connaisseurs de la littérature contemporaine et, au vu des contraintes imposées par le prix (en termes de nombre d’œuvres déjà publiées par les auteurs ou du nombre de cessions de droits déjà conclues), quelques noms sont naturellement venus dans nos discussions.


Quelles sont les missions du BIEF, par ailleurs ?

Notre association aide au quotidien près de 300 maisons d’édition française à développer leurs relations à l’international. Nous pilotons les stands « France » dans les plus grandes foires internationales, nous organisons tous types de rencontres entre professionnels du livre en France et à l’étranger, que cela concerne les cessions de droits, l’export, des acteurs comme les librairies francophones à l’étranger ou encore les traducteurs ! Nous fêtons cette année nos 150 ans au service des professionnels.



Concrètement, quelles formes prennent-elles, quels sont vos axes d’actions ?

Nous organisons des opérations très diverses. J’en liste ici quelques-unes : à Paris nous avons lancé le « Paris Book Market » qui permet aux responsables de droits des maisons françaises de rencontrer des éditeurs d’acquisition internationaux. Ce nouveau format, lancé en 2022, connait un très grand succès. Mais nous avons également plusieurs Fellowships ! Le premier à de jeunes éditeurs du monde entier que nous invitons à Paris pour se familiariser avec les acteurs de la chaine du livre. Un dédié aux éditeurs de langue arabe. Deux autres aux éditeurs francophones, le premier pour les éditeurs de littérature et des sciences humaines, le second pour les éditeurs de jeunesse et de bande dessinée. Enfin, nous lancçons cette année un Fellowship dédié aux traducteurs. Ce sont bien évidemment des acteurs essentiels de la réussite d’un livre en langue étrangère mais ils ont également un rôle « d’apporteur d’affaires » qui doit être reconnu et développé.


Y a-t-il beaucoup d’achats de droits de livres français pour des traductions étrangères ? De quels pays en priorité ?

Le français est la deuxième langue la plus traduite dans le monde après l’anglais. En 2021, près de 17000 contrats de cessions de droits et de coéditions ont été signés entre les éditeurs français et les éditeurs étrangers, c’est un chiffre incroyable ! Cela repose sur le talent de nos auteurs et de nos illustrateurs, bien sûr, mais également sur les maisons d’édition qui, ces 20 dernières années particulièrement, ont mis en place des organisations internes, des moyens pour représenter très efficacement les intérêts de leurs auteurs dans le monde entier. Nous sommes à leur service pour les épauler dans cette tâche.


Observez-vous une certaine dynamique sur le plan des échanges littéraires européens ?

Les échanges entre pays européens sont très riches. L’Espagne et l’Italie sont respectivement les 2e et 3e acheteurs de droits auprès des éditeurs français après la Chine ! Mais de nombreux autres pays d’Europe, d’Europe centrale notamment sont très attentifs et acheteurs de titres français : je pense à l’Allemagne, bien sûr, mais aussi à la Pologne, à la Roumanie. Le prix du livre européen s’inscrit dans une double dynamique à laquelle nous sommes heureux de collaborer : dynamiser les échanges entre les pays de l’Union bien sûr mais également faire voyager des œuvres qui promeuvent les valeurs européennes auxquels nous sommes tous attachés.


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