Qu’est-ce qu’une agence d’artistes ? Spécifiquement dans le domaine littéraire ? Plus encore spécifiquement dans le domaine de la poésie contemporaine ?
Dans un Détroit imaginaire, une femme enquête sur la mort de sa fille et la disparition de ses petites-filles. Roman uchronique, "L'avenir" déploie une formidable atmosphère feutrée, où l'entraide et la solidarité prennent le pas sur la désolation d'un monde en ruines. Une littérature qui fait du bien dans le contexte mondial actuel et son cortège de questions vertigineuses sur l'avenir. Rencontre avec une écrivaine en prise avec l'époque.
Qu’est-ce qui vous a amenée à écrire cette histoire ?
Tout a commencé par les fleurs sauvages, celles qui poussent un peu n’importe où en ville, sans permission ni planification – dans les stationnements abandonnés, le long des voies ferrées, dans les terrains vagues. Au cours d’un été, je suis devenue obsédée par ces plantes. J’ai fini par comprendre que c’était parce qu’elles représentaient une certaine résilience de la nature dans un environnement hostile, une sorte de métaphore de la crise environnementale qui me préoccupait et me préoccupe toujours beaucoup. J’ai eu envie d’écrire un livre sur cette résilience, ce surgissement d’une nature sauvage là où on ne l’attendait plus. Cela m’a tout naturellement portée à m’intéresser à Detroit.
Qui sont vos auteur·ice·s phare, celles et ceux qui vous inspirent dans votre pratique de l’écriture ?
J’ai été très marquée par Gabriel Garcia Marquez et le réalisme merveilleux des auteur·ice·s d’Amérique du Sud (et du Nord, je pense à Tony Morrison entre autres). Et par l’écriture de Québécois.e.s, comme Réjean Ducharme, par exemple. Dans un cas comme dans l’autre, c’est leur grande liberté, une liberté à la fois ambitieuse et ludique, qui m’a inspirée, qui m’a donné envie, à moi aussi, de me donner la permission d’aller où je veux dans l’écriture.
Pensez-vous que la littérature puisse jouer un rôle dans notre rapport aux questions environnementales ?
Je crois que la littérature, comme tous les arts, jette un éclairage sur les zones les plus vitales de notre monde et de notre histoire, et que les créateurs agissent souvent comme le proverbial « canari dans la mine », donnant l’alerte face à l’intolérable. À ce titre, les livres peuvent certainement contribuer à conscientiser et à mobiliser la société, ne serait-ce qu’en ouvrant le champ des possibles, en permettant d’imaginer un monde où on se mobilise, justement.
Vous utilisez une langue à la fois familière et novatrice, par beaucoup d’aspects, qu’est-ce qui vous a amenée à ce travail, dans ce roman ?
Puisque j’avais créé un Detroit « alternatif », qui serait canadien plutôt qu’américain et par conséquent majoritairement francophone, il fallait que je lui donne une langue autre. On ne parle pas le même français à Paris qu’à Marseille, qu’à Yaoundé ; on ne parle pas le même français à Montréal qu’à Moncton, qu’à Winnipeg. J’ai voulu créer une variante locale crédible, en m’inspirant du lexique de la francophonie de la région de Windsor-Essex (la partie de l’Ontario qui borde la ville de Detroit), et en trouvant une gamme d’anglicismes spécifiques à ce lieu réel-imaginé.
Dans le monde sombre que vous décrivez, il y a de nombreuses actions positives, de la lumière qui émane des actions et sentiments des personnages, le futur puisse être vertueux ?
Je ne crois pas que le futur sera nécessairement vertueux, pas plus qu’il sera immoral ; il sera à l’image du présent, soit un peu des deux. Mais je crois surtout qu’il faut démanteler l’idée souvent répandue par les autorités que face à un cataclysme, les gens se transforment en meutes déchaînées prêtes à s’entretuer pour assurer leur survie. Dans l’optique d’un futur où se multiplient les catastrophes et les crises, on peut (on doit !) s’imaginer que la solidarité et la coopération prédomineront, comme elles ont majoritairement prévalu lors de catastrophes du passé.