[INTERVIEW] Metal Maniax : "Le Metal n'est pas isolé du monde dans lequel on vit"

Le saviez-vous ? Une étude récente a démontré que les métalleux·ses étaient des gens plus zen, capables d’une meilleure gestion de leurs émotions et doté·e·s d’un esprit plus logique que la moyenne. Et ce n’est pas "Metal Maniax", cette BD très drôle et très juste, écrite par Fef et dessinée par Slo, qui vous dira le contraire.

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[INTERVIEW] Metal Maniax : "Le Metal n'est pas isolé du monde dans lequel on vit"
Tara Lennart

Tara Lennart

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28/6/2023
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7 min
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Le saviez-vous ? Une étude récente a démontré que les métalleux·ses étaient des gens plus zen, capables d’une meilleure gestion de leurs émotions et doté·e·s d’un esprit plus logique que la moyenne. Vous qui pensiez (sans doute) avoir affaires à une bande de sauvages endiablés, vous n’avez pas totalement raison, sans avoir totalement tort. Et ce n’est pas cette BD très drôle et très juste, écrite par Fef et dessinée par Slo, qui vous dira le contraire. Avec humour, second degré, pertinence et tendresse, les deux compères dessinent le portrait d’une bande de copains unis par leur goût pour la bière et la musique. Publiée aux éditions Lapin, cette BD à l'esprit strip embarque les lecteur·rice·s pour une joyeuse virée qui donne envie de monter le son.

(ndlr : l’objectivité sur ce sujet n’est pas au rendez-vous, sur Bookalicious. Derrière ses lunettes, une certaine Tara L. voue une adoration sans limites au métal)


©MythriweN

Comment vous est venue l’idée d’une BD sur le métal ?

Fef (scénariste) : D’une sortie dans un bar en 2008, et d’une discussion avec un pote sur les reportages metal à la télé ou ils racontent souvent n’importe quoi et que du coup, on risquait d’avoir un jour la même chose en BD, car il commençait à y avoir déjà pas mal de BD thématiques, les pompiers, les gendarmes… mon pote m’a mis au défi d’écrire des scripts. En 2009 un pote commun m’a fait rencontrer Slo, il a lu les idées que j’avais notées, et ça a commencé comme ça

Slo (dessinateur) : après quelques réunions de travail bien arrosées, on a d'abord créé un blog BD (metalmaniax.fr), pour tester nos gags et rôder nos personnages. Puis on a proposé le projet à de nombreux éditeurs, qui ne croyaient pas du tout que le public Metalleux était un public de lecteurs de BD intéressant. "Intéressant", d'un point de vue "rentabilité" évidemment. On a donc commencé en indépendant, et ça a plutôt pas mal marché avec nos petits moyens, avec 2 tomes autoédités en noir et blanc et à petits tirages successifs, jusqu'à avoisiner les 3000 exemplaires vendus en tout. Ça partait bien. Puis le tome 3 a été annoncé, mais plusieurs éléments personnels m'ont fait dérailler, jusqu'à baisser les bras. Puis là, dix ans plus tard, l'envie est revenue, et j'ai contacté Phiip, des éditions Lapin, que j'avais connu bien avant, à l'époque des Festiblogs (qui mettaient en avant de futurs talents issus de la blogosphère). Il a été plutôt emballé.
Avec cette classieuse réédition des 2 premiers tomes en Intégrale (avec une belle couverture cartonnée, et tout en couleur !) et avec un éditeur "pro" pour nous soutenir, on espère bien relancer la machine !

Qui sont les illustrateur·rice·s et dessinateur·rice·s qui vous inspirent ?

Fef : Une des références qui nous a beaucoup inspiré, c’est Joe Bar Team. Les albums ont montré qu’on pouvait faire découvrir un milieu (eux la moto)...

Slo : ... même si le lecteur n'y connait absolument que dalle en moto, voire même déteste ça ! Là c'était pareil, on voulait raconter des histoires qui puissent rester drôles même pour quelqu'un qui écoute Radio Nostalgie ou Skyrock. En référence historique j'ajouterai aussi les œuvres de Frank Margerin ( Lucien en particulier, et sa bande de potes oscillant entre le punk et le rock des 80's ) ainsi que les Nombrils ( de Delaf et Maryse Dubuc) pour l'inclusion d'un fil rouge de gags en gags, sans que cela n'en gêne la lecture indépendante. Ensuite, niveau dessin, il y a un peu toutes les références qui ont pu me nourrir, selon les personnages : Vince a un visage à la Simpsons (de Matt Groening), Sam a les bras mous d'un Bouzard, Marco est inspiré d'un des personnages de One Piece (de Eiichirō Oda) etc. Bref, je me suis lâché au grès des envies, ce qui donne un rendu souvent très "cartoon" !

Pourquoi trouve-t-on aussi peu de (bonnes) BD sur cet univers ?

Fef :  Parce que le metal intéressait très peu les éditeurs avant que l’on parle du Hellfest dans les médias classiques. À partir de là le metal est redevenu à la mode et on commence à voir de plus en plus d’albums qui parlent de ce genre musical, comme la biographie sur Motorhead (la naissance du groupe le plus bruyant du monde, par David Calcano et Mark Irwin, Belzebubs, par J.P. Ahohen, qui a commencé par des strips sur le web…

Slo : ... on peut aussi citer la BD Wellcome to Hell(fest) (de Sofie Von Kelen et Johann Guyot) , Metal Vortex (de Bernstein et Pixel Vengeur) ou encore les livres illustrés de Will Argunas sur la communauté metal. Bon là c'est les copains qu'on retrouve tous les ans au Hellfest, et il y en a sans doute encore d'autres qu'on connait moins.

Qui est votre lectorat ? Des métalleux·ses averti·e·s ou aussi des néophytes ?

Fef : Principalement des metalleux, car on fait des festivals metal les étés ou on présentait les albums en noir et blanc. Ils en avaient entendu parler sur le web ou découvraient les albums sur place.

Slo :  Vu que dès le début, l'objectif était de faire une BD sur le Metal qui reste drôle pour les néophytes , on a toujours eut l'espoir d'avoir un lectorat plus large que juste ceux que l'on croisaient en festival Metal. Là avec l'Intégrale disponible en librairie BD un peu partout en France (ainsi qu’en Belgique, suisse, et même Canada), ça va peut-être enfin pouvoir se faire. En tout cas on a eu pas mal de gens qui nous disaient " je déteste la musique Metal, et pourtant vous m'avez fait marrer". C'est déjà ça de pris !

Quel est votre premier souvenir métal ?

Fef : Simple, un pote de classe qui me passe la cassette de Master of Puppets de Metallica en 86. Après beaucoup de thrash et speed metal dans les années 90. Il était compliqué de trouver des albums au fin fond des deux Sèvres.

Slo : Moi ça a été une cassette audio (ouais, j’assume !) prêté par un mec plus vieux, au lycée. Moi qui n’écoutais quasiment que du Nirvana, les Ludwig'88 et les Béruriers noirs, ça a été une grosse tarte dans la gueule : sur la cassette il y avait Slayer, Kreator, et Deicide. Du gros bourrin pour l'époque. J'étais foutu !

Quels sont vos groupes favoris ?

Fef : Favori ? Il y en a plusieurs ! je reste très classique et old school cela va varie entre Metallica, Iron Maiden, Helloween,… après je suis pas super fan de death, black, à la différence de Slo.

Slo : Ouais, on a cette chance d'être assez complémentaires dans nos goûts respectifs, et c'est moi qui remplis la partie " musique de bouchers" ! Comme tous les mélomanes, les préférences fluctuent d'un moment à un autre, mais je citerai Cannibal Corpse, Napalm Death, Cattle Decapitation, Emperor, Sordide, Brutal Truth, Ministry... et Boney M !

Si on publie trop de BD ou de romans avec le métal comme background, ne risquerait-on pas de le faire devenir mainstream (cette honte) ?

Slo : La question du "mainstream" est un des aspects sur lequel on s'amuse dans la BD. Il y a un paradoxe chez les fans de Metal à régulièrement se plaindre d'être mal considérés, tout en chérissant une prétendue origine Underground. Perso je trouve que c'est avant tout un contexte visuel et humain très marqué, dans lequel on peut effectivement raconter beaucoup de choses. Reste à savoir quoi, comment, et en suivant quelles valeurs. Le Metal n'est pas isolé du monde dans lequel on vit, et les questions politiques, écologiques ou même éthiques s'y posent également - peut être parfois de manière un peu plus simplistes ou outrancières.

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