Sous la plume enlevée de Rim Battal, la rage et l’humour s’allient pour mieux faire face à la honte et à la violence familiale, le désir et la force s’unissent pour rappeler combien l’intime est, toujours, politique.
Short listée pour l’édition 2025 de l’EUPL (Prix de Littérature de l’Union Européenne), l’écrivaine Maria Kjos Fonn fait partie des grandes voix de la littérature norvégienne contemporaine. Née en 1990, autrice de trois romans « Kinderwhore », « Héroine Chic » et « Margaret, es-tu triste? » et d’un livre pour enfants (« Memoria »), elle a remporté ou été finaliste de nombreux et prestigieux prix littéraires norvégiens. Reconnue et appréciée pour son observation sans fard des personnes vivant à la marge, ou devant faire face à la maladie, les addictions, le suicide ou la maladie mentale, elle s’illustre par son sens de l’humour et son empathie. Si nous n’avons pas encore la chance de pouvoir la lire en français, nous pouvons découvrir un extrait en anglais du roman sélectionné pour l’EUPL. Espérons que la visibilité apportée par ce prix nous permettra de plonger dans ses univers et de découvrir l’étendue de son talent, en français dans le texte.

Vous êtes une voix influente dans votre pays. Qu’est-ce qui vous a menée à l’écriture ?
J’ai toujours aimé raconter des histoires étranges et terrifiantes. Quand j’étais enfant, j’aimais à la fois effrayer et impressionner mon petit frère avec des histoires que j’inventais. L’écriture est venue plus tard, mais je pense que l’amour du récit est venu en premier. J’ai écrit mes premiers romans à l’âge de 10 ou 11 ans, car je voulais un public plus large que ma famille proche, qui avait déjà entendu toutes mes histoires de toute façon.
En quoi la lecture vous nourrit-elle ? Comment alimente-t-elle votre propre écriture ?
Je lis des romans et quelques ouvrages spécialisés, surtout sur le crime et la psychologie ces temps-ci. J’adore relire les classiques norvégiens, et je garde un œil sur la concurrence en lisant quelques romans contemporains. J’aime trouver une bonne intrigue, car c’est parfois plus difficile qu’il n’y paraît. J’aime aussi un bon essai littéraire, car en écrire un peut également s’avérer plus ardu qu’on ne le pense.
Quel est votre regard sur la littérature norvégienne contemporaine ?
Il y a beaucoup d’autrices en vue parmi la jeune génération, et moins d’hommes. Mais ce n’est sans doute pas propre à la Norvège. Même si les Norvégiens sont américanisés à bien des égards, je pense que la plupart des écrivains norvégiens s’inspirent de la littérature européenne. Surtout les femmes, tandis que certains jeunes hommes sont attirés par le récit et un style journalistique. Pour ma part, j’ai toujours eu un faible pour la littérature américaine, même si je reste européen dans bien d’autres goûts et dégoûts.

De bons conteurs écrivent de la poésie, tandis que les romanciers écrivent une prose poétique qui ne raconte pas vraiment d’histoire. Le roman norvégien contemporain met en scène des personnages qui ne font pas grand-chose, il n’y a pas beaucoup d’action. J’aime les romans d’action poétiques et percutants.
Y a-t-il des tendances marquantes dans l’édition norvégienne aujourd’hui ? Lesquelles ?
Peut-être des ghost writers qui écrivent des romans inspirés de la vie réelle de personnes célèbres pour autre chose que l’écriture ? Il y a davantage de pression commerciale, et beaucoup de romans essaient d’être contemporains en proposant ce que l’auteur pense pouvoir se vendre. La littérature norvégienne a toujours été un refuge pour les excentriques et les obsessionnels, les écrivains devraient écrire davantage sur leurs véritables obsessions.

Quels écrivains vous inspirent, qu’ils soient contemporains ou classiques, norvégiens ou internationaux ?
Tarjei Vesaas, Nick Cave, Toni Morrison, William Burroughs, Sofie Oksanen.
Comment caractériseriez-vous la littérature norvégienne classique ?
Un mélange de l’étrange et du personnel, et de l’épique et du vaste. Soit des sagas familiales, soit des romans comme « La Faim » de Knut Hamsun, qui raconte l’histoire d’un homme qui fait des choses insensées.
Les classiques vous ont-ils inspiré ou nourri votre envie d’écrire lorsque vous les étudiiez ?
Ils ont nourri mon envie d’écrire. Il y a quelques romans, comme « Fuglane » de Tarjei Vesaas, que je relis sans cesse.
Quels sont vos trois livres préférés — ceux que vous considérez comme essentiels ?
- « Fuglane » de Tarjei Vesaas
- « Beloved » de Toni Morrison
- « L’Insoutenable Légèreté de l’être » de Milan Kundera

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et voici l'entretien en anglais :
You’re an influential voice in your country. What led you to writing ?
I've always enjoyed telling strange and terrifying stories. When I was a child, I liked both scaring and impressing my little brother with stories that I made up. The writing part came later, but I think a love for storytelling came first. I wrote my first novels at the age of 10 or 11, I wanted a larger audience than my immediate family who had heard all my stories by then in any case.
How does reading nourish you, and how does it fuel your own writing ?
I read fiction and some textbooks, mostly on crime and psychology these days. I love rereading Norwegian classics, and I keep an eye on the competition by reading some contemporary novels. I like a good plot, as it can be harder than it seems. I like a good literary essay, as writing one of these also can be harder than it seems.
What’s your perspective on contemporary Norwegian literature ?
There´s a lot of prominent female writers in the young generation, and fewer men. But that’s probably not unique for Norway. Even though Norwegians are americanized in many ways, I think most Norwegian writers are inspired by European literature. Especially female writers, whereas some young men are attracted to storytelling and a journalistic style. Myself, I have always been very fond of American literature, although I am a European in many of my other likes and dislikes.Good storytellers are writing poetry, while novelists are writing prose poetry that doesn't tell a story at all. The contemporary Norwegian novel is about characters who don't really do much, there's not a lot of action. I like tough poetic action novels.
Are there any notable publishing trends in Norwegian literature today ? What are they ?
Maybe ghostwriters writing novels based on the real lives of people who are famous for things other than writing? There is more commercial pressure, and a lot of novels trying to be contemporary by offering what the writer thinks will sell. Norwegian literature has always been a place for eccentrics and obsessives, writer's should write more about their true obsessions.
Which writers inspire you, whether contemporary or classic, Norwegian or international ?
Tarjei Vesaas, Nick Cave, Toni Morrison, William Burroughs, Sofie Oksanen.
How would you characterize classic Norwegian literature ?
A mixture of the very strange and personal and the very epic and vast. Either family sagas or novels like Knut Hamsuns "Hunger", which is about a guy doing things which don't make sense.
Did the Classics inspire you, or feed your will to write when you studied them ?
They fed my will to write, there are a few novels such as "Fuglane" by Tarjei Vesaas which I constantly re-read.
What are your three favorite books—the ones you consider essential ?
Tarjej Vesaas "Fuglane",
Toni Morrison, «Beloved»
Milan Kundera: «The Unbearable Lightness of Being»