[INTERVIEW] Barry Graham : "Les artistes transmettent l’art plus qu’ils ne le créent"

Il y a une tonalité particulière dans les nouvelles de Barry Graham, une verve, un style, une manière d’attaquer le sujet qui ne ressemblent à rien de ce que l’on a pu lire par ailleurs. Heureusement, sinon, les qualités littéraires de l’auteur seraient à interroger. Or celles de ce drôle de personnage qu’est Barry Graham, écrivain, ancien boxer, journaliste, moine bouddhiste, ne se questionnent pas.

Interviews
Interviews
[INTERVIEW] Barry Graham : "Les artistes transmettent l’art plus qu’ils ne le créent"

Date
10/11/2023
Lecture
Partage
Tags
No items found.

Il y a une tonalité particulière dans les nouvelles de Barry Graham, une verve, un style, une manière d’attaquer le sujet qui ne ressemblent à rien de ce que l’on a pu lire par ailleurs. Heureusement, sinon, les qualités littéraires de l’auteur seraient à interroger. Or celles de ce drôle de personnage qu’est Barry Graham, écrivain, ancien boxer, journaliste, moine bouddhiste, ne se questionnent pas. Il parvient, en quelques pages, à croquer des personnalités, dessiner les clairs-obscurs de l’être humain, immortaliser les mouvements intérieurs qui font qu’on n’est jamais tout à fait très net sans être jamais complètement à jeter. Il y a de l’humanité, de l’humour, de la poésie, de la violence dans ces nouvelles, véritables instantanés de vie traduits par Tania Brimson. 

©Daishin Stephenson

Vous avez un parcours atypique, entre la boxe et le bouddhisme, qu’est-ce qui nourrit votre écriture ? 

Atypique pour un écrivain, peut-être ! Mais il y a beaucoup de littérature atypique dans ce qu’elle représente. Beaucoup de romans traitent des problèmes psychologiques de la bourgeoisie. Je suis issu de la classe ouvrière, et je pense que c’est essentiel dans mon écriture, même si ma fiction n’est pas autobiographique. Et le bouddhisme zen, que j’ai pratiqué durant toute ma vie d’adulte, est également essentielle. Ce qui nourrit mon écriture est la même chose que ce qui nourrit tout dans ma vie - la joie de la vie en elle-même, dans la beauté et la tristesse de l’impermanence, ce que les Japonais appellent « mono no aware ». Tout est précieux, parce que tout est éphémère. Comme Karl Marx l’a dit « tout ce qui est solide se dissout dans l’air ». Ou bien, comme dit mon ami, le grand écrivain américain Larry Foundation dans son roman « Dans la dèche à Los Angeles» « Nous savons que rien n’est jamais comme nous le rêvons. Mais à la fin, rien n’est rien. Tout a de l’importance ». 


Comment avez-vous commencé à écrire ? 

J’ai toujours pensé de manière narrative, et j’ai toujours expérimenté la vie comme étant constituée d’histoires, tout en réalisant qu’il ne s’agissait là que d’une illusion. J’ai l’air d’être naturellement un raconteur d’histoires, et j’ai toujours lu intensément. La plupart de ma culture en la matière provient des bibliothèques, pas de l’école. Probablement en raison de mon manque d’éducation formelle, je ne savais pas qu’écrire des livres peut être difficile. Donc à 21 ans, en ne sachant pas quoi faire d’autre de ma vie, j’ai décidé d’essayer d’écrire des livres. J’ai écrit mon premier roman que quelques semaines pendant l’été 1988, j’ai eu 22 ans pendant que je l’écrivais, et il a été publié par Bloomsbury l’année suivante. Une fois que j’ai commencé à écrire, je ne me suis plus jamais arrêté. 


Vous avez écrit plusieurs romans, mais aussi beaucoup de nouvelles. Qu’aimez-vous en partiteur dans ce genre ? Comment croissez-vous ce qui va devenir une nouvelle ou ce qui va devenir un roman ? 

Mes romans sont très courts : le plus long fait 60 000 mots, et la plupart des autres en font 40 000. J’essaie  de me rapprocher autant que possible de la page blanche tout en ayant une histoire en cours. Chaque roman que j’écris essaie d’être une nouvelle, chaque nouvelle essaie d’être un poème et chaque poème essaie d’être un haiku. Je veux en dire le plus possible avec le moins de mots possibles. Je ne choisis pas la forme, j’écris jusqu’à ce que l’histoire soit racontée. 

Comment créez-vous vos personnages, toujours dans une sorte de clair-obscur, un entre-deux ? 

Je n’ai pas l’impression de créer des personnages. J’ai l’impression qu’ils existantent déjà et que je les écoute et observe. Je ne sais pas d’où ils viennent. 


Qu’est-ce qui vous donne l’idée d’une nouvelle ? Qui déclenche l’écriture ? 

Je n’ai pas vraiment d’idées pour mes histoires. Je pense que les histoires existent déjà et que l’écrivain les trouve. Je pense que les artistes transmettent l’art plus qu’ils ne le créent. 


Quelles sont vos inspirations ? Qu’est-ce qui nourrit votre écriture ? 

La curiosité et la compassion, et beaucoup de colère socio politique. 

J'ignore comment tout cela va finir. Barry Graham. Traduction de Tania Brisson. Editions Tusitala


Articles récents

Liste de lecture : Evasion intersidérale

Deux recueils de nouvelles et un roman pour s’évader très loin. Enfin, loin… Dans des mondes imaginaires qui nous rappellent le nôtre, souvent pour le pire.

[INTERVIEW] Dana Grigorcea : "Le monde est rempli de vampires"

Si vous pensiez tout savoir du célèbre Vlad Dracula, c’est que vous n’avez pas encore ouvert ce roman hybride, où vampires, communisme et capitalisme voisinent avec quiproquos et humour.

[INTERVIEW] Denis Infante : "Ce que je voulais, c’était décrire un monde à hauteur d’animal"

Il y a des livres, comme ça, auxquels on ne s’attend pas. Où, dès les premières lignes, l’on sait qu’il y aura un avant et un après dans notre paysage de lecture. « Rousse ou les beaux habitants de l’univers » en fait partie. Échange avec Denis Infante, l’auteur derrière les aventures de cette renarde mystique et courageuse.