Rencontre avec Odile Flament, la fondatrice toc toc toc des éditions jeunesse Cot Cot Cot
Parfois, parfois, j'ai envie de vous parler d'un livre que j'ai lu entre deux autres livres sortis récemment et que j'ai hâte de chroniquer. Juste un livre tout droit pioché dans une "PAL" (Pile à Lire) qui ne cesse de grandir
Falconer - John Cheever. Traduction de Michel Doury
Il y a des livres comme ça, dans ma « pile à lire personnelle » (qu’il ne faut donc pas confondre avec ma « pile à lire pro », soyons sérieux), là depuis quelques semaines, mois, années, et que je finis par lire, au hasard d’une pioche à l’aveugle. Je n’ai aucune idée de ce qui a amené Falconer dans cette pile. Qui me l’aurait suggéré, où j’aurais pu lire le résumé, rien. Parfois je me souviens « ah si, c’est dans l’interview de bidule, qui l’a cité et j’ai eu envie de le lire ». Ma culture personnelle s’est faite de petits cailloux ramassés au bords des routes littéraires.La semaine dernière, j’ai eu envie de lire un livre sombre, dense, humain. Je me souvenais qu’il s’agissait d’un « roman carcéral », genre que je connais peu mais qui se rapproche assez des pépites underground peuplées de truands et de toxicomanes que j’affectionne. Il y était aussi question de tendresse entre prisonniers virils, thématique qui, blague de mauvais goût mis à part, m'intéresse également (bien que ça soit loin d'être le coeur du propos de ce roman, soyons clairs).Il est donc question de Faragut emprisonné pour le meurtre (accidentel, dit-il) de son frère. Le lecteur découvre en même temps que lui la réalité de la prison, les autres prisonniers, les matons, les violences, les combines. La solitude, les rêves, les souvenirs se déploient en parallèle, esquissent le portrait d’un type ni bon ni mauvais, d’un anti-héros que la guerre du Vietnam a rendu toxicomane, quelqu’un ni pire ni mieux que beaucoup d’entre nous. On ne sait pas à quoi il ressemble et ses camarades de prison ne prennent corps que par leurs particularités, leurs signes distinctifs, leurs manies. Il n’y a pas de place pour la singularité dans ce monde. Le passé de Faragut apparaît, en clair-obscur derrière le quotidien et sa violence, parfois ponctué par des petites touches de tendresse.Cheever, connu pour ses centaines de nouvelles, déroule son histoire de manière neutre et froide comme un mur en béton. Minimaliste, épuré, efficace, son style ne laisse aucune fioriture détourner l’attention du lecteur, aucun effet alléger la noirceur ambiante du propos. Quelques touches d’humour absurde, à peine. Et ce sens exquis de la mesure qui évite à une histoire dure de sombrer dans le misérabilisme. L’air de rien, Cheever installe un suspens, rythme son livre comme un film pour l’achever … de façon inattendue.Ma pile à lire est plutôt bien faite, je devrais penser à la consulter plus souvent... Editions Folio