Rencontre avec Odile Flament, la fondatrice toc toc toc des éditions jeunesse Cot Cot Cot
Home sweet... ?
Comment dire ? Comment tenter de résumer près de 1000 pages en quelques malheureuses lignes inspirées et forcément bourrées de name-dropping, parce qu’après-tout, il faut bien essayer de dire quelque chose de rationnel sur un roman immense, à la fois impossible à cerner et délicieux à lire.
Ce roman est un OVNI, un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) dans toute sa splendeur. C’est un roman choral, un roman fantastique, un roman social, un roman sur l’adolescence, une saga, une fresque. Tout. C’est un objet qui atterrit entre nos mains et ne les quitte qu’à regret, une fois toute cette fantasmagorie dissipée. Et un objet magique, au design soigné, luxueux écrin pour un bijou de littérature contemporaine.
L’histoire ? Elle peut se résumer, s’apprivoiser. Dans une étrange Maison, des enfants évoluent. Des enfants handicapés, estropiés, des freaks, presque parfois. Tous ont moins de 18 ans et devront quitter la maison à cet âge pour se retrouver dans le monde extérieur auquel ils ont du mal à croire. A l’intérieur de la Maison, des clans, des lois, des rites, des rituels, des mythes, des légendes. De la violence, parfois beaucoup, jusqu’au sang, jusqu’à la mort…
Prisonniers de leur condition physique imparfaite, de leur corps cage, les enfants du lieu s’inventent toute une mythologie, des codes d’honneurs, des clans dont on ne fait pas partie comme ça, il faut être coopté, il faut un parrain ou une marraine pour obtenir son nom de baptême, Sauterelle, Sphinx, Fumeur l’Aveugle, connaître son groupe, les Faisans, les Bandar-Log, les Oiseaux, les Chiens…
Parfois, on pense à Harry Potter, à La Maison des Feuilles de Danielewski, à certains jeux de rôle, aussi, comme Masquerade (où des clans très distincts et stricts de Vampires s’affrontent selon des codes propres à chaque clan), à certains classiques du cinéma d’horreur où les bâtiments sont vivants et dictent les comportements de leurs habitants… La magie qui souffle ici est distordue, l’ambiance, épaisse, l’ensemble, plus déglingué à la Tim Burton que rutilant comme Pouddlar. Harry Potter est sous acide et son trip n’a rien d’une successions de métaphores acidulées sur le passage à l’âge adulte. Ici, les handicaps et les infirmités dessinent forcément un autre rapport à l’espace, à l’âge, à l’adolescence et ses mutations. L’humour est noir, le monde construit par ces jeunes gens en marge de la société reflète la distance qu’ils ressentent. Si l’adolescence n’est pas un âge évident, en soit, pour ces gamins là, il devient univers parallèle,
Il y a des milliers de choses à dire, sans doute, des milliers de clins d’oeil à relever, de piques à décrypter. Mais ça serait vain. Ce livre choral est l’un des plus beaux jamais écrits sur l’adolescence, sans fards ni faux semblants, avec un fantastique destroy et on onirisme presque horrifique. En plus de dix ans, la jeune arménienne Maryam Petrosyan a écrit un chef d’oeuvre, un caviar grand-crû à la saveur incomparable.
La Maison dans Laquelle de Mariam Petrosyan
Traduit par Raphaëlle Pache
Editions Monsieur Toussaint Louverture